Il n'était pas obligé de le faire. Son propre mandat de président court jusqu'en 2027, et il sait que les hommes et les femmes qui viennent de donner à son parti Renaissance seulement 15 % de leurs voix aux élections européennes sont les mêmes qui voteront pour une nouvelle Assemblée nationale en France dans trois semaines. Le parti de Macron perdra à nouveau.

Perdre les élections du Parlement européen n'est pas très grave, car ce dernier n'a que peu de pouvoir réel. L'intention initiale, en 1957, était d'en faire quelque chose de plus impressionnant, mais les États membres ont jalousement gardé leur souveraineté et les grandes décisions de l'UE sont encore réellement prises par des négociations entre les États membres.

Les élections européennes fournissent un aperçu utile de la manière dont les citoyens voteraient dans le cadre d'une élection nationale qui se tiendrait aujourd'hui. Le message qui ressort du scrutin européen de ce mois-ci est que les partis nationalistes d'extrême droite vont manger le déjeuner de presque tous les autres.

C'est déjà chose faite aux Pays-Bas, en Hongrie et en Slovaquie. Le Premier ministre italien Giorgia Meloni fait également partie de ce groupe (bien qu'elle soit moins extrémiste que les autres), et l'Autriche et l'Allemagne pourraient avoir du mal à exclure leurs propres néo-fascistes des gouvernements de coalition après les élections prévues cette année (Autriche) et l'année prochaine (Allemagne).

C'est en France que le risque d'une prise de pouvoir de la droite dure est le plus aigu. Marine Le Pen, la dirigeante du Rassemblement national, s'est rapprochée de la présidence lors de chacune des trois dernières élections (2012, 2017, 2022), terminant avec 41 % des voix face à Macron lors de la dernière.

Mme Le Pen a "dédiabolisé" son parti, en changeant son nom de Front national à consonance fasciste, en interdisant les manifestations publiques de son racisme et de son antisémitisme traditionnels, et en atténuant ses opinions pro-russes depuis l'invasion de l'Ukraine - et les sondages d'opinion indiquent qu'elle est désormais l'homme politique le plus populaire en France.

Lors des élections européennes de dimanche, le Rassemblement national de Mme Le Pen a obtenu 32 % des voix françaises, soit plus de deux fois plus que la Renaissance de M. Macron. Si ces résultats sont reproduits lors des élections législatives que Macron vient de convoquer en France, Mme Le Pen sera alors en mesure de former une coalition avec les petits partis d'extrême droite à l'Assemblée nationale et de former un gouvernement.

M. Macron resterait président et contrôlerait la défense et les affaires étrangères jusqu'en 2027, tandis que le gouvernement de Mme Le Pen contrôlerait la plupart des questions intérieures. En apprenant les résultats du vote sur l'UE, elle a immédiatement déclaré que son parti était "prêt à exercer le pouvoir, prêt à mettre fin à l'immigration de masse". Alors, une fois de plus : pourquoi Macron a-t-il appelé à un vote maintenant ?


Il n'est pas un malchanceux comme le futur ex-Premier ministre britannique Rishi Sunak, qui a convoqué une élection qu'il est sûr de perdre juste pour mettre fin à la misère et retourner dans son foyer spirituel en Californie. Macron est un patriote français qui pense à long terme et a toujours une stratégie.

Le succès de l'extrême droite aux élections européennes était un désastre annoncé, et Macron aura décidé de sa réponse il y a plusieurs semaines. Il donne délibérément au Rassemblement national de Le Pen sa chance d'accéder au pouvoir avec trois ans d'avance (maintenant, pas en 2027), dans l'espoir qu'il fasse un gâchis total et perde à nouveau le pouvoir dans quelques années.

Faire de nécessité vertu, me direz-vous, mais il a raison. Personne au sein du Rassemblement national n'a l'expérience de la gestion d'un gouvernement, et la coalition de partis d'extrême droite que Le Pen devra réunir sera pleine d'égos bousculés et de fous furieux. Donnez-leur suffisamment de corde, et peut-être qu'ils se pendront eux-mêmes.

Macron doit se rendre compte qu'une grande crise liée à l'immigration massive vers l'Europe se profile à l'horizon, sous l'effet d'un réchauffement climatique incontrôlable. Les températures en Grèce, dans le sud de l'Italie et dans le sud de l'Espagne atteignent déjà 40°C - mais ce n'est rien comparé aux températures qui atteignent jusqu'à 50°C en Inde, au Pakistan et dans le grand Moyen-Orient.

Des millions de réfugiés climatiques tenteront d'entrer en Europe et les frontières se refermeront. Qu'on le veuille ou non, c'est un fait, mais cela ne devrait pas s'accompagner d'une guerre contre ceux qui se sont déjà installés légalement en Europe.

Il est peu probable que l'extrême droite fasse cette distinction, et il vaudrait donc mieux qu'elle soit au pouvoir aujourd'hui et qu'elle en soit débarrassée au moment où la vraie crise éclatera. Ou peut-être que je crédite Macron d'une plus grande clairvoyance qu'il n'en a en réalité.


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Gwynne Dyer is an independent journalist whose articles are published in 45 countries.

Gwynne Dyer